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Le programme In vivo : une approche innovante en santé mentale chez les jeunes
Le programme In vivo, une nouvelle approche en intervention préventive des problèmes de santé mentale chez les jeunes, verra le jour à titre d’offre de service dans la programmation des Centres jeunesse de Lanaudière, en septembre 2013.
Le concept à la base du programme In vivo a été élaboré en 2010-2011 par Jonathan Bluteau, doctorant en psychoéducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Soutenue par le Centre d’études sur le stress humain (CESH) et d’autres chercheurs du Centre de recherche Fernand-Séguin (CRFS), l’initiative s’est développée comme projet de recherche universitaire à partir de septembre 2011.
Le caractère innovant du programme réside dans son approche multimodale d’intervention, qui s’appuie sur la triangulation1 des méthodes physiologiques et psychosociales (cognitivo-comportementale). Cette approche permet de mieux cerner et de favoriser le développement de compétences pour faire face au stress et, ainsi, prévenir ou atténuer les symptômes de la dépression ou de l’anxiété chez les adolescents et adolescentes.
La majorité des problèmes de santé mentale se manifeste à l’adolescence. La recherche sur les capacités de prévention et d’adaptation aux symptômes d’anxiété et de dépression constitue une priorité, qui est d’ailleurs reconnue par le Programme national de santé publique. Ce besoin est particulièrement criant pour les services destinés aux jeunes, qui sont très peu développés au Québec (MSSS, 2005). Ces deux constats ont constitué des leviers importants, motivant le développement de cette innovation.
Le développement d’approches préventives est important pour réduire l’incidence et la gravité des troubles mentaux, ainsi que les coûts qu’ils engendrent sur le système de santé et de services sociaux. Une telle approche est d’ailleurs indissociable des efforts qui doivent être menés pour déstigmatiser les troubles de santé mentale. Dans cette perspective, le programme In vivo apparaît fort prometteur, tant pour les percées potentielles en recherche fondamentale et appliquée en santé mentale, que pour la démarche participative qui engage l’adolescent ou l’adolescente dans la compréhension et la maîtrise des facteurs du stress.
Mieux comprendre et maîtriser le stress par l’autorégulation
Le but du programme In vivo est essentiellement de favoriser le développement de compétences pour faire face au stress, dans le but de prévenir ou de réduire les symptômes de la dépression et de l’anxiété chez les adolescents et les adolescentes. L’approche repose sur un entraînement par l’inoculation au stress (EIS), qui se décompose en trois phases d’intervention complémentaires :
Cette approche met en relief les séquences psychophysiologiques en situation de stress, et ces informations permettent d’animer et de dynamiser le processus d’apprentissage des jeunes, qui sont à même de reconnaître des signaux de stress et d’identifier les stratégies d’adaptation les mieux adaptées aux situations stressantes.
De plus, l’évaluation du programme In vivo repose sur un devis de recherche innovant. Le cadre pluriméthodique qui allie les mesures physiologiques (variabilité de la fréquence cardiaque), biologiques (cortisol salivaire) et psychologiques (autorapportées) permet de mieux comprendre les mécanismes qui interviennent entre le stress, la santé mentale et les stratégies adaptatives. Ainsi, ce type de protocole de recherche est pertinent, car il intègre la recherche appliquée, qui permet d’évaluer l’implantation et les effets du programme, et la recherche fondamentale, afin de préciser des modèles théoriques en santé mentale.
Un laboratoire qui induit au stress
Les équipements utilisés pour l’EIS visent à créer certaines caractéristiques typiques du stress, telles qu’identifiées par la littérature spécialisée, soit un sentiment de contrôle diminué, l’imprévisibilité, la nouveauté ou la personnalité menacée. Ces équipements, qui se composent d’un trampoline olympique, d’un mur d’escalade et d’un labyrinthe en cage de bois, sont utilisés de manière à placer les sujets en situation potentiellement stressante et à provoquer des réactions psychophysiologiques s’apparentant à celles vécues au quotidien2.
Le programme a la capacité de suivre 24 jeunes par année. Les coûts d’implantation sont plus élevés qu’une intervention psychosociale classique, notamment du fait que les entraînements sont menés en petits groupes (quatre jeunes par groupe) et nécessitent deux éducateurs formés pour la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et l’approche psychoéducative. Une fois les coûts d’implantation absorbés, le programme apparaît abordable et constitue une option viable, notamment pour le milieu hospitalier qui est soumis à de fortes pressions financières, mais qui doit répondre aux besoins de cette clientèle. De plus, cette approche offre des possibilités réelles de prévention ou de diminution des recours à la psychopharmacologie chez les jeunes, sans compter les coûts associés au traitement des troubles de santé mentale en établissement de santé.
Par ailleurs, le taux d’adhésion des jeunes au programme est très fort; un constat qui peut être certes attribué au cadre ludique du programme, mais aussi à la démarche participative qui place le jeune en suivi et en contrôle de son état d’être.
L’expérience In vivo : un révélateur des défis et des passages obligés de l’innovation
Cette pratique innovante est inspirante pour quiconque se préoccupe des défis liés à l’innovation, et ce, quel que soit le secteur d’intervention considéré. Les faits saillants suivants l’illustrent bien :
Des perspectives prometteuses
L’implantation du programme In vivo auprès des clientèles institutionnelles permettra d’augmenter les connaissances et d’approfondir l’analyse de ses retombées auprès des clientèles adolescentes et pré-adolescentes.
Ces développements contribueront non seulement à répondre aux besoins de la clientèle visée, mais aussi à former le personnel intervenant aux nouvelles compétences requises pour la mise en œuvre d’approches préventives en santé mentale.
1. En géométrie et en trigonométrie, la triangulation est une technique qui permet de déterminer un point à partir d’autres points dont la référence est connue, par exemple le troisième point d’un triangle dont les deux autres sont connus. Par analogie, les sciences sociales utilisent un modèle de triangulation qui réunit des méthodes quantitatives et des méthodes qualitatives, chacune menée de manière indépendante, pour approfondir la compréhension et l’analyse d’une problématique donnée. 2. Par exemple, la nervosité ressentie avant de faire un exposé oral; être et agir en groupe; s’affirmer auprès de ses pairs; ou encore devoir gérer un conflit. 3. Cette vidéo est disponible par le lien suivant : www.vimeo.com/49244701. 4. LUNDVALL, B. A., 1992. « Relations entre utilisateurs et producteurs, systèmes nationaux d’innovation et internationalisation », dans FORAY, D. et FREEMAN, C. (dir.), Technologie et richesse des nations, Économica, Paris, p. 355-388. 5. Les concepts de learning-by-doing et de learning-by-using sont centraux aux théories de l’innovation, particulièrement chez les praticiens de l’économie évolutionniste.
Source :
Rédigé avec la collaboration de Jonathan Bluteau, initiateur du programme In vivo.
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